La blockchain entre dans l’ère du concret
SuisseLa technologie de la chaîne de blocs (blockchain) qui conserve en sécurité les transactions des cryptomonnaies est discutée à Genève dès ce lundi.
La blockchain, cette nouvelle technologie de stockage d’informations fonctionnant sans organe de contrôle, est aussi un «modèle anti-Gafa», estiment ses promoteurs, en référence aux géants du net (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui exploitent à leur profit les milliards de données que leur confient les citoyens. Cette question, notamment, fait partie des discussions soulevées par le 1er Congrès annuel sur la blockchain organisé lundi à Genève.«Nous avons à Genève de solides atouts pour nous profiler dans la révolution en cours représentée par la blockchain», estime Carlos Moreira, fondateur et directeur de l’entreprise de cybersécurité Wisekey, un des principaux intervenants du congrès, interrogé par AWP en marge de la manifestation.
«La blockchain (ou chaîne de blocs) commence à devenir concrète. Nous sommes assis sur un puits de pétrole. Un immense savoir-faire est disponible, pas encore exploité. Genève doit se profiler pour capitaliser là-dessus », plaide M. Moreira, rappelant au passage que l’aventure d’internet est partie du Cern à Meyrin, avant que les Etats-Unis s’en emparent. «Pour la blockchain, à l’Europe de reprendre la main», dit-il.
Le patron de Wisekey est convaincu que la phase spéculative sur les cryptomonnaies – qui s’appuient sur la blockchain – est aujourd’hui largement passée pour laisser la place à de nouvelles monnaies ou jetons numériques basés sur des vrais projets industriels.
Il cite l’exemple des contrefaçons – de l’horlogerie aux médicaments. La technologie des registres distribués («ledgers»), telle la blockchain, permet de retracer tout l’historique d’un produit et de vérifier son authenticité. Grâce à l’interaction des microprocesseurs intégrés dans les objets mis en relation, il devient par exemple possible de contrôler l’origine et l’authenticité d’une montre via son téléphone portable.
Addiction aux données
Les Gafa ont créé des «comportements addictifs» sur lesquels ils font de l’argent, à l’image des cigarettiers, illustre Carlos Moreira. Mais aujourd’hui, investisseurs, politiques et citoyens opèrent selon lui une prise de conscience. La blockchain, sorte «d’anti-Gafa» à ses yeux, a le potentiel pour répondre à ces nouvelles demandes. Elle permet aux consommateurs de se réapproprier leurs données et leur identité numérique, via le gigantesque répertoire que constitue cette technologie.
«Avec les médias sociaux, les utilisateurs sont en quelque sorte des produits. Aujourd’hui, 90% des données recueillies par les géants de l’internet sont monétisées – via par exemple la publicité ciblée – aux Etats-Unis», observe M. Moreira. La blockchain doit permettre non seulement de protéger les identités de la personne mais aussi de donner à chaque citoyen la possibilité de valoriser ses données et d’effectuer des transactions validées de gré à gré, sans intermédiaire. «Autrement dit, de créer un nouvel écosystème basé sur le consentement», explique-t-il.
L’enjeu est de bien se positionner par rapport à ce nouveau paradigme. «Genève possède à cet égard des avantages formidables, grâce aux innombrables données conservées par les grands organismes internationaux qu’elle héberge comme l’Iata (aviation), l’OMS (santé) ou le BIT (travail)», explique M. Moreira. Sa culture bancaire constitue aussi un actif à valoriser.
«Nous en sommes aujourd’hui encore à l’ère de l’analogique, mais tout va très vite», relève M. Moreira. «La blockchain deviendra grand public lorsque des milliards d’objets auront été identifiés et connectés dans l’internet. D’ici dix ans, la société sera numérique à 80%», conclut le patron de Wisekey.