Don Tapscott: «Genève peut devenir un pôle mondial de la blockchain»
C’est l’une des personnalités les plus attendues de la première édition du Geneva blockchain annual congress, qui se tiendra le 21 janvier à Palexpo. Auteur traduit dans 25 langues, avec à son actif plusieurs bestseller mondiaux dont Wikinomics et plus récemment Blockchain revolution, Don Tapscott dirige actuellement le Blockchain research institute.
Basée à Toronto, l’organisation fédère 60 entreprises et 12 industries et affiche plus de 80 projets, menés pour certains en collaboration avec des autorités gouvernementales. Un partenariat a été noué avec la société genevoise Wisekey, spécialiste de la cybersécurité et de l’identité digitale, qui prévoit l’ouverture d’un centre d’excellence à Genève sur la blockchain.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises l’avènement d’une nouvelle ère de l’internet. Qu’en est-il exactement?
Depuis 40 ans, on a développé l’internet de l’information, dont font également partie le 2.0 et les réseaux sociaux. Or ce que nous vivons actuellement est totalement différent et d’une toute autre ampleur, avec l’émergence de l’internet de la valeur. Transfert d’argent, émission et gestion d’actifs, de contrats, garantie de la propriété intellectuelle, vote, le tout appliqué à des domaines aussi divers que la finance, le juridique, ou la production artistique.
Toutes ces applications vont avoir un impact supérieur sur l’organisation des sociétés et des Etats que n’a eu l’internet de l’information depuis son apparition. Et le développement de la blockchain est directement liée à ce changement de paradigme.
De quelle manière?
L’internet de la valeur va nécessiter production, stockage et transaction de ces nouvelles applications. La blockchain permet de réaliser tout cela de manière sécurisée et privée, en pear to pear, sans l’intervention d’intermédiaires.
Elle résout notamment un problème technique central, celui dit de «la double-dépense», en assurant qu’une transaction -qu’elle concerne de la monnaie, un contrat, un titre- n’est effectuée qu’une et une seule fois. La construction de ce nouvel écosystème va redessiner la carte du monde, avec l’émergence des villes et régions leaders sur cette technologie structurante.
La Suisse est plutôt bien positionnée pour le moment…
Beaucoup de places se distinguent actuellement, on pense bien sûr à Toronto, New-york, Shangaï, Berlin… Effectivement, la Suisse fait pour l’instant partie de ces leaders, avec en particulier la Cryptovalley Zoug Zurich bien sûr. Genève à également une carte à jouer pour devenir un pôle mondial de la blockchain, si les autorités poursuivent l’effort entrepris dans la lignée de la FINMA pour clarifier le cadre réglementaire.
Les initiatives sont là. Wisekey est en train de bâtir un centre d’excellence dédié à la blockchain à Genève, qui pourrait avoir un impact décisif. Wisekey est membre du blockchain research institute et travaille à l’élaboration d’une plateforme globale pour le deuxième âge d’internet. Une plateforme qui permettrait le partage des savoirs et savoir-faire sur la question à travers le monde. D’autant plus que la force de la communauté blockchain genevoise et de son système universitaire sont des signes positifs. Tout comme la présence de grands organisations internationales, terrain favorable à l’implémentation de la technologie.
La chute du cours des cryptomonnaies entraine une crise de confiance auprès du grand public. Ne risque-t-elle pas d’impacter le développement et la crédibilité de projets blockchain?
C’est très bien qu’une correction ait lieu. Elle va permettre de s’orienter vers moins de spéculation et plus de valeur ajoutée réelle pour l’économie et la société. On se rend compte que la conjoncture n’a pas affecté l’enthousiasme des grands institutions financières. Un total d’un milliard a été investi cette année par plusieurs grandes banques, dont JP Morgan, Santander ou Bank of America.
Toutes les institutions peuvent être hackées, que ce soit JP Morgan ou la CIA, et elles sont conscientes que la blockchain est le système le plus sécure. Le bitcoin n’est pas l’enjeu, à part dans des pays monétairement plus instable où il peut servir de réserve de valeur. En revanche, en Suisse par exemple, la banque centrale a intérêt à développer un crypto-franc. Un tel outil lui permettrait de gérer sa politique monétaire de manière plus transparente et efficiente.